Politiques agricoles . Raisons de l'intervention publique en agriculture.

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Les raisons de l'intervention publique en agriculture.


Extraits du texte de "la PAC et ses mécanismes actuels, et futurs de régulation des marchés agricoles. Par Vincent Chatellier. Notes et études socio-économiques, numéro 34, décembre 2010.
L'intérêt de cet article est notamment de réfléchir à la PAC de l'après 2013.




L' intervention publique peut parfois être nécessaire et/ou souhaitable dans l’intérêt des producteurs, des consommateurs et des citoyens. Cela ne signifie pas, pour autant, que les pouvoirs publics doivent interférer de manière systématique dans la régulation des marchés de produits agricoles. En agriculture, comme dans d’autres secteurs de l’économie, les prix ont un rôle important à jouer dans les ajustements qui s’opèrent entre l’offre et la demande.


Raison 1. Satisfaire la demande en biens alimentaires.
De même, un certain degré de libéralisation des échanges agricoles peut se révéler fort utile pour permettre, par exemple, de satisfaire la demande alimentaire dans un pays où la production agricole serait temporairement affectée. Louverture des marchés et leur élargissement peuvent, en effet, contribuer à leur assurer une plus grande stabilité dans la mesure où les risques climatiques sont mutualisés à une échelle plus large. Sans privilégier la voie d’une orientation trop administrée des marchés agricoles, l’intervention publique dans ce secteur économique se justifie, tant dans l’UE que dans les autres pays du monde, pour au moins trois raisons : les caractéristiques de l’offre de biens agricoles et de la demande de biens alimentaires font que les marchés agricoles sont instables ; l’agriculture produit aussi des biens non marchands et participe, au travers des emplois qu’elle génère, à une certaine stabilité sociale dans de nombreux pays, notamment dans les PED ; les denrées alimentaires sont nécessaires à la vie et consommées par tous les êtres humains, ce qui implique que tous les gouvernements des pays du monde doivent veiller à ce que leur population puisse accéder quotidiennement à une alimentation qui soit, si possible abondante, variée et saine.
Sans parler d’une orientation trop administrée des marchés agricoles, l’intervention publique dans ce secteur économique se justifie, tant dans l’UE que dans les autres pays du monde, pour au moins trois raisons :
-les caractéristiques de l’offre de biens agricoles et de la demande de biens alimentaires font que les marchés agricoles sont instables ; l’agriculture produit aussi des biens non marchands et participe, au travers des emplois qu’elle génère, à une certaine stabilité sociale dans de nombreux pays, notamment dans les PED ; les denrées alimentaires sont nécessaires à la vie et consommées par tous les êtres humains, ce qui implique
que tous les gouvernements des pays du monde doivent veiller à ce que leur population puisse accéder quotidiennement à une alimentation qui soit, si possible, abondante, variée et saine.


II. Les marchés agricoles sont instables
En agriculture, et plus précisément dans le secteur des biens alimentaires, l’équilibre spontané entre l’offre et la demande est, pour un bien donné, souvent difficile à obtenir. Cette difficulté, qui est au cœur de l’instabilité des marchés agricoles, tient aux caractéristiques intrinsèques de l’offre et de la demande de biens alimentaires. Au niveau de l’offre, le principal écueil est lié à l’influence des aléas climatiques sur le niveau des rendements et donc sur le volume final de la production agricole. Si l’amélioration des techniques agricoles et l’essor de la génétique permettent de progressivement mieux lutter contre les effets pertur-
bateurs du climat, notamment dans les pays développés, ceux-ci ne peuvent être totalement écartés. Ainsi, le volume de la production agricole, dans un pays donné ou à l’échelle internationale, n’est pas connu par anticipation (ce qui est plus facilement le cas pour des produits industriels). Loffre de biens agricoles est de plus rigide à court terme, dans la mesure où le processus de production exige un délai plus ou moins long entre la mise en produc-
tion et la récolte du produit final. Cette rigidité de l’offre n’est cependant pas homogène selon les produits : elle est, par exemple, plus importante pour les productions de ruminants (plusieurs années) que pour les productions de céréales ou les cultures maraîchères. À moyen terme, l’offre de biens agricoles est un peu plus flexible face à l’évolution des prix ; les agriculteurs peuvent, par exemple, modifier leurs assolements pour privilégier les cultures les
plus rémunératrices. Le contexte pédo-climatique, les instruments de politique agricole et la fixité des facteurs de production (le foncier est peu extensible globalement le travail agricole est peu mobile à court terme; le capital utilisé est plutôt spécifique) constituent néanmoins souvent des freins puissants aux réorientations productives. En outre, l’offre de biens agricoles est assez spécifique en raison du caractère périssable des produits, ceci rendant
souvent difficile le stockage. La production agricole est donc quantitativement difficilement maîtrisable et, surtout, peu susceptible de varier à court terme en fonction du niveau des prix. Cela contribue à l’instabilité des marchés agricoles (Boussard et Trouvé, 2010), ce d’autant plus que la demande alimentaire globale est parallèlement inélastique (elle varie peu en fonction du niveau des prix). Il en résulte que les prix agricoles fluctuent de façon plus que proportionnelle à une contraction de la demande alimentaire ou à une hausse soudaine de la production agricole.
Les agriculteurs exercent donc leur métier et prennent leurs décisions sous l’emprise d’une double incertitude : celle relative aux quantités qui seront ef
fectivement commercialisées à la fin du cycle de production ; celle relative au prix de vente des produits commercialisés. Or, les agriculteurs sont souvent considérés, comme la plupart des agentséconomiques, comme étant averses au risque. Cela signifie que dans le contexte d’un marché libre, ils peuvent avoir tendance à produire moins en situation de fortes incertitudes que
ce qu’ils ne réaliseraient dans un contexte économique plus anticipé ou plus certain. Dans ce sens, l’intervention des pouvoirs publics dans la régulation des marchés agricoles peut permettre d’atténuer le risque initial et ainsi, favoriser l’obtention d’un volume optimal de production pour la collectivité (Boussard et
al, 2005). En outre, d’autres traits caractéristiques des marchés agricoles que sont la non-atomicité (pouvoirs de négociation déséquilibrés) et l’incomplétude des marchés contingents (non assurabilité de certains risques) participent
au consensus assez répandu autour de l’idée que l’intervention publique en agriculture se justifie afin de corriger ces défaillances ou leurs effets (Courleux, 2010). Il n’en demeure pas moins que des débats controversés existent quant à l’intensité souhaitable de l’intervention publique et à ses modalités d’application.
La forte instabilité des prix agricoles internationaux (Delorme, 2007), qui s’est manifestée de manière éclatante au cours des dernières années, n’est favorable ni pour les producteurs, qui deviennent moins sécurisés et donc moins enclins à investir dans ce secteur, ni pour les consommateurs, qui doivent faire face à des variations de prix d’autant plus préjudiciables que leur pouvoir d’achat est faible à l’origine (Boussard, Delorme, 2007). Cette instabilité des prix agricoles, cumulée à leur baisse tendancielle en monnaie constante, est encore plus préjudiciable pour les PED importateurs nets de produits agricoles et pour les
PMA qu’elle ne l’est pour les pays développés (dont ceux de l’UE), ce pour trois raisons principales : la productivité des facteurs de production est plus faible, ce qui rend la mise en concurrence difficile avec les pays développés, ce d’autant que ces derniers allouent des soutiens budgétaires parfois conséquents pour soutenir leurs activités agricoles (comme cela a, par exemple, été soulevé à maintes reprises dans les négociations du cycle de Doha
à propos des soutiens accordés par la puissance publique américaine à sa filière cotonnière) ; les matières premières agricoles occupent une place souvent très importante dans l’activité économique globale de ces pays et dans le budget des ménages ; les politiques agricoles de ces pays sont souvent moins protectrices que celles adoptées par les pays développés (Mazoyer, 2008).
L’agriculture fournit des biens non marchands utiles à la société
L’intervention publique en agriculture se justifie aussi en raison du caractère multifonctionnel de cette activité. En effet, l’agriculture assure, en parallèle à son activité première (la production de denrées alimentaires), des services qui ne sont pas explicitement rétribués par le marché, mais qui sont pourtant souvent considérés comme utiles par les citoyens et/ou les élus des collectivités territoriales. L’agriculture n’est certes pas le seul secteur économique concerné par la fourniture de biens dits « non marchands », mais elle y contribue
sûrement beaucoup plus que d’autres en raison principalement des liens qui l’unissent au foncier
. Si le poids de la valeur ajoutée agricole dans la richesse nationale est souvent faible et ne cesse de décroître dans les États membres de l’UE, le rôle joué par l’agriculture dans l’aménagement des territoires et dans les équilibres environnementaux demeure toujours aussi crucial. Cette relation entre l’agriculture, le territoire et l’environnement est au demeurant complexe à analyser dans la mesure où les activités agricoles peuvent avoir simultanément des effets positifs sur l’environnement (entretien du territoire, ouverture et
structuration des paysages, stockage de carbone dans les sols, etc.) ou négatifs (pollution des eaux, dégradation physique, chimique et biologique des sols, émission de gaz à effet de serre, atteinte à la biodiversité, etc.). Dans ce contexte, l’intervention publique en agriculture est nécessaire pour, au-delà de la seule question de la stabilisation des marchés, orienter les systèmes productifs dans un sens souhaitable. En effet, l’obtention d’une bonne régulation des marchés agricoles peut être accompagnée, en fonction des modèles de pro-
duction privilégiés pour y parvenir, d’effets environnementaux et territoriaux très différents.
Lagriculture génère des emplois indispensables à la stabilité politique de certains pays
L’intervention des pouvoirs publics en agriculture peut aussi être justifiée au regard du rôle prépondérant que ce secteur économique joue dans les emplois nationaux de nombreux PED et PMA. Si près de la moitié des êtres humains vit désormais en ville, les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) mentionnent
que près de 40% de la population mondiale tirent leur subsistance du secteur agricole (49% dans les PED et 6 % dans les pays développés). Par conséquent, il semble important que les pouvoirs publics des PED, mais aussi ceux des pays développés (au travers notamment des règles arrêtées dans le cadre de l’OMC à destination des PED), se préoccupent de la dynamique d’un secteur qui contribue autant à l’organisation sociale et in fine
à la stabilité politique de certains États. Cela semble d’autant plus nécessaire que le taux de chômage important observé dans la plupart des grandes villes de ces pays ne permet pas une inté-
gration réussie des populations agricoles qui subissent l’exode. Dans de nombreux PED, le développement du secteur des services est limité par la faiblesse des revenus et l’essor des nouvelles technologies est freiné par un niveau d’éducation souvent insuffisant et des financements publics insignifiants dans la recherche et l’innovation. Prenant acte de cette situation, il semble important, au moins pour les prochaines décennies, que les décideurs de ces
pays privilégient la voie d’un développement de la production agricole domestique par l’encouragement de l’agriculture familiale (Griffon, 2006).



Raison III : La sécurité des consommateurs.
L’agriculture fournit des biens alimentaires indispensables à la vie de tous les êtres humains et qui interfèrent directement sur la santé humaine. Pour assurer une protection des consommateurs, les pouvoirs publics doivent veiller à ce que tous les acteurs des filières agroalimentaires (producteurs, transformateurs, distributeurs) respectent les normes publiques imposées (méthode de production, stockage, respect de la chaîne de froid, délais de mise en marché, étiquetage, etc.). De même, et en arguant parfois du principe de pré-
caution, elles doivent tout mettre en œuvre pour éradiquer certaines maladies qui se propagent, parfois rapidement, chez les végétaux et les animaux. Comme l’histoire récente l’a rappelé, au gré de l’Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), de la fièvre catarrhale ovine (FCO), de l’influenza aviaire ou de la peste porcine, les politiques sanitaires sont et resteront essentielles. La vigilance accrue des consommateurs face aux questions sanitaires et
de santé, surtout dans les pays riches, conduira à ce que les flux internationaux de produits agricoles dépendront demain, encore plus qu’aujourd’hui, de la capacité des pays exportateurs à respecter des normes, publiques ou privées, de plus en plus exigeantes.


Raison IV : La sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire, par la recherche d’un certain degré d’indépendance alimentaire, est considérée par les gouvernants de nombreux États comme étant une question stratégique sur un plan politique (Pisani et Lebiez, 2008). Cela signifie que les politiques publiques doivent contribuer à encourager le développement de la production alimentaire domestique,
quitte à ce que cela soit plus coûteux pour l’économie nationale que la stratégie inverse d’un approvisionnement systématique sur le marché mondial (Dufumier, 2009). Ce dernier est, en effet, jugé moins sécurisant (problème climatique dans le pays fournisseur) et potentiellement risqué en cas de fortes tensions sur le prix des matières premières ou éventuellement de guerres (Bourgeois, 2007). C’est pour cette raison que certains pays riches peu favorisés sur un plan pédo-climatique (comme le Japon, Israël ou l’Arabie saoudite) soutiennent fortement leur agriculture. Le développement des transports maritimes, la libéralisation
des marchés agricoles et la création de grandes zones économiques (UE, accord de libre-échange nord américain, pays de Mercosur, etc.) contribuent cependant à rendre moins crét à rendre moins crédible le risque d'un embargo sur les biens alimentaires.

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